Portrait du mois : Arianna et le dorodango

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Quel est votre prénom et votre fonction ?

Je suis Arianna Fabrizi de Biani, artisane enduiseuse spécialisée dans les enduits naturels et décoratifs en terre crue et chaux. Architecte de formation, j’ai tracé un chemin singulier en me lançant dans la construction pour embrasser la réalité concrète du bâtiment. À la sortie de mes études, j’ai pris part au projet qui a changé ma vie, un projet de construction d’un centre d’accueil nommé « XEWA SOWE », érigé en matériaux naturels et selon des techniques locales au Bénin. Cette expérience m’a sensibilisée à la place traditionnelle des femmes dans la construction, notamment à travers leur travail d’enduisage. À partir de ce moment, j’ai commencé à me former et à travailler comme artisane pour réaliser des enduits. Cette reconversion professionnelle m’a portée à fonder ACRUMA en 2023. ACRUMA a pour objectif principal la mise en œuvre et la promotion des enduits à base d’argile et de chaux. En plus de mon travail sur chantier, j’accompagne les architectes, entrepreneur·se·s et auto-constructeur·se·s dans le choix et la mise en œuvre des enduits naturels. Un deuxième objectif est également d’élargir la présence des femmes dans le domaine de la construction, en participant à des conférences, des formations et d’événements.

Pourquoi le secteur de la construction et surtout, pourquoi le secteur du réemploi ?

Construire est une activité naturelle à mes yeux. C’est un besoin fondamental, un acte collectif et créatif, qui nous pousse à travailler ensemble. Tout le monde, humain et non humain, construit depuis toujours. Savoir comment véritablement construire un bâtiment donne de la confiance en soi, de l’indépendance et c’est donc un moyen d’émancipation.

Le secteur du bâtiment offre de nombreuses satisfactions, les défis stimulants ne manquent pas et c’est une véritable école de vie. Pour exercer ce métier, il est essentiel de se connaître soi-même, d’être honnête avec ses limites, de mettre en valeur ses qualités, de bien communiquer et d’apprendre de ses erreurs.

Tout cela en mettant concrètement les mains à la pâte ! Travailler la matière est pour moi une chose essentielle, tout comme travailler avec son propre corps. Je milite pour valoriser les métiers manuels et physiques, trop souvent dévalorisés.

En ce qui concerne le secteur du réemploi, il me semble une évidence et une nécessité. Utiliser des matériaux faiblement transformés et issus du réemploi est une nécessité dans le contexte actuel. Il est inutile de rappeler que le secteur de la construction est l’un des plus polluants, que nous vivons dans une planète aux ressources limitées et de plus en plus précieuses. Mon objectif est de contribuer, à mon échelle, à changer les choses et de partager ma passion avec d’autres afin que cela puisse avoir un impact à plus grande échelle. Comme on dit, petit à petit, l’oiseau fait son nid !

Qu’est-ce qui vous passionne dans votre travail ?

Travailler avec les matériaux naturels me passionne beaucoup, en particulier avec la terre crue. C’est un matériau spécial tant pour sa simplicité matérielle que pour le message qu’il porte : utiliser une ressource qui est proche, sous nos pieds et qui est circulaire en lien avec les territoires et l’environnement. Comment passer à côté d’un matériau pareil ? Pour moi, travailler avec la terre représente un choix et une manière de voir le monde, le temps et le rythme du travail différemment.

Pourquoi avez-vous choisi cet objet ?

L’objet que j’ai choisi est un dorodango, une sphère lisse et brillante faite uniquement de terre. Cette technique est une forme d’art traditionnel japonais et le terme signifie littéralement « faire briller la boue ». La technique du dorodango implique de façonner la terre en boule, puis de la comprimer et de la polir soigneusement jusqu’à ce qu’elle devienne lisse et brillante. Au Japon, cette pratique est souvent associée à des enseignements philosophiques et éducatifs, car elle enseigne la patience, la persévérance et la valeur du travail méticuleux. Ce dorodango en particulier a été réalisé en France lors d’un chantier participatif dans une vieille maison en pierre dans les Cévennes. J’étais là-bas pour rénover la maison, en commençant par la toiture en pierres de schiste coupées plates appelées « lauzes ». Ces pierres étaient traditionnellement posées sur un lit de 30 cm de terre argileuse pour les coller les unes aux autres au sommet de la structure en bois. Au moment de la rénovation, j’ai récupéré cette terre et j’ai réalisé mon dorodango. C’est un bel exemple de réutilisation de la terre, petit mais qui a une signification très forte pour moi.